IRTS – Antoine Emaz invité du café littéraire – Montrouge
Lundi 4 juin 2012 à 16h.
Au Centre de ressources documentaires IRTS – Site de Montrouge.
Animation : Marie Haloux, formatrice et Syvie Doyon, documentaliste.
Entrée libre.
Le café littéraire est de tradition à l’IRTS. Pour mémoire, le dernier invité fut Aberto Mengel.
Suspendu pendant quelques années, le café littéraire renaît cette année, toujours en invitant les grands témoins de notre monde contemporain.
Présentation par Marie Haloux [[Marie Haloux anime des ateliers d’écriture à visée littéraire et professionnelle. Elle est également formatrice, initie et coordonne des ateliers de médiations créatives à l’IRTS. Elle aime accompagner l’élaboration d’écrits, faire connaître des auteurs, participer à une énergie créatrice.]]
Ce monde est sale de bêtise, d’injustice et de violence; à mon avis, le poète ne doit pas répondre par une salve de rêves ou un enchantement de langue; il n’y a pas à oublier, fuir ou se divertir. Il faut être avec ceux qui se taisent ou qui sont réduits au silence. J’écris donc à partir de ce qui reste vivant dans la défaite et le futur comme fermé. [[Antoine Emaz – Entretien, Scherzo 12-13, été 2001 ]]
Pourquoi Antoine Emaz ?
Etre en formation, c’est convoquer les mots, les écrits, tenter de dire…
Écrire est enraciné profond en vivre [[Cuisine, 2011]].
Présenter l’écriture d’Antoine Emaz est pour moi citer les mots pesés de ces textes, de ses notes, de son écriture saisie au ras des situations de la vie :
Boue, Ras, Plaies, Os, Entre, C’est, De l’air, Peau – Titres – puisés dans l’essentiel du commun sans préalable narcissique – pas de Je.
Des mots courts sans fioriture – absence de ponctuation – donne l’état d’être d’une écriture au travail [[Cambouis, Caisse-Claire, Cuisine]] d’un rapport aux réalités. L’énergie de ses poèmes est une force donnée par les ponts créés entre les mots, une connivence, des liens pour tenir au matin, on a passé le plus dur / tenir les bouts de vivre / ensemble.
Le banal d’une vue sur le jardin, sur des objets connus raccrochent à une quasi méditation, une impermanence. Les poèmes sont là pour élucider, tenter d’éclaircir le commun des choses. Travail d’épure parfois associé avec des œuvres d’artistes (Djamel Meskache / Peau, Jean-Marc Scanreigh / Poèmes pauvres…). L’humour est aussi là : avant l’été, dans les magazines, cette injonction aux écrivains Surveillez votre ligne ou Éviter les gros mots : penser au poids du sac. [[Lichen, encore]]
Antoine Emaz est enseignant à Angers. Son travail de poète s’enracine entre autre dans les œuvres de Reverdy, Du Bouchet, Guillevic.
Son écriture rassemble des bribes d’expériences de vie intemporelles. La perception est première entre le corps et l’extérieur, à propos de l’attente, la fatigue, le quotidien du temps.
L’auteur : Qui est-il ? Il se définit ainsi :
Né en 1955, Antoine Emaz vit à Angers.
Ensuite, vie ordinaire, entre pas facile et pas impossible, comme tout le monde. Je ne vois pas bien quoi dire d’autre qui serait un peu nécessaire, ou éclairant, au-delà, autour ou en deçà des poèmes. Si tout poème est bien de circonstances, écrire vise à délaver assez pour qu’il devienne une interface, et non un miroir. Voilà pourquoi devoir alimenter le moulin biographique me gêne toujours autant. Une chose pourtant : je revendique le droit à la contradiction, au risque, à la tentative, voire au ratage. La poésie n’est pas pour moi un exercice réussi lorsque les contraintes ou les procédures ont été respectées, elle est à chaque fois invention d’un écrire-vivre, tension de langue contre ce qui nous rend muets.
Au ras du mot, les mots minimaux d’Emaz parlent sèchement du dehors et du dedans. Il ne fait chanter les mots, il les resserre. Ils sont juste en face, tout contre. Contre le monde…
On ne doit pas aimer la poésie d’Emaz, mais on doit la craindre.
Nue, à vif, écorchée, elle nous meurtrit, elle s’effondre au milieu de nous. Presque sans bruit. Si ce n’est ce bruit de grêle, d’urgence absolue. Cette peur, qui est présente veut tuer, tous les rêves. Il nous enfonce son poème au fond de la gorge. Pour mieux voir le réel avec force et violence :
Au départ / avant le poème / il n’y a que la vie continuée / et après de même.
Il grêle, il grêle tous les gravats entassés dans la tête d’Emaz, ils sont nombreux et contondants. Et le lent polissage du travail poétique n’enlève pas les éclats. Minces et secs, comme lui, ses mots se veulent des lieux communs. Mais avec l’énergie de ce qui n’en finit pas de finir. L’énergie de la résistance.
Il grêle, il grêle dans les bribes des choses que sont les mots d’Emaz. Il déroule une vie sans savoir, sans plus bien voir, sans plus.
La boue de l’espérance nous colle malgré tout à l’âme. Nous colle au cœur. Et le temps nous malmène tant.
Il grêle, il grêle.
Quelle route va vite vers la noire nuit de l’oubli ?
La route des textes d’Emaz – esprit nomade.com
Bibliographie
– Cuisine, Cambouis, publie.net, 2011
– Poèmes Pauvres, avec des illustrations de Jean-Marc Scanreigh, éd. Æncrages & Co, 2010
– Lichens encore, Rehaut, 2009
– Plaie, éd. Tarabuste, 2009
– Cambouis, Seuil, collection Déplacements, 2009
– Peau, Tarabuste, 2008
– Caisse claire, Poèmes 1990-1997, Seuil, 2006
– De l’air, Le Dé bleu, 2006
– Sur la fin, Wigwam éditions, 2006
– Obstinément peindre, (peintures de Monique Tello), Le Temps qu’il fait, 2005
– Os, Tarabuste, 2004
– K.-O., Inventaire-Invention, 2004
– André du Bouchet, debout sur le vent, Jean-Michel Place, 2003
– Lichen lichen, Rehauts, 2003
– Je ne, Editions en Forêt / Verlag im Wald, 2001
– Ras, Tarabuste, 2001
– Soirs, avec Joël Leick, Tarabuste, 1999
– Boue, Deyrolle, 1997
– A, livre d’artiste Noir d’ivoire, 1997
– Sable, encres de Djamel Meskache, Tarabuste, 1997
– De près, de plus loin, (avec Jean-Marc Scanreigh), 1996
– Poème Loire, livre d’artiste Lafabrie, 1996
– Personne, livre d’artiste Unes/Détroits, 1996
– De près, de plus loin, dessins et gravures de Jean-Marc Scanreigh, Guillaume Dumée,
– Fond d’œil, Théodore Balmoral, 1995
– Entre, Deyrolle, 1995
– debout… et au bout…, Poèmes-affiches avec Jean-Marc Scanreigh, 1994
– Peu importe, Le Dé bleu, 1993
– Poème, va, éditions De, 1993
– Poème, trois jours, l’été, (avec Sophie Bouvier)éd. PAP, 1992
– La nuit posée là, avec Anik Vinay, Atelier des Grames, 1992
– C’est, Deyrolle, 1992
– Poème carcasse, Tarabuste, 1991
Revues
– Le matricule des Anges, N°93, 2008
– Publie.net
– Poezibao
– Espritsnomades
Contact
Sylvie Doyon
Responsable du Centre de ressources documentaires
IRTS Ile-de-France Montrouge Neuilly-sur-Marne
1 rue du 11 novembre 92120 Montrouge
+33 (0)1 40 92 35 09
sylvie.doyon@irts-montrouge-neuillysurmarne.eu
Photos : Marie Christine Girod – Juin 2012